Le rôle essentiel des récupérateurs syriens dans l’économie circulaire du Liban
À Beyrouth, dans les ruelles souvent méconnues des quartiers populaires, les récupérateurs syriens jouent un rôle central dans la gestion quotidienne des déchets. Ces collecteurs informels, souvent jeunes et venus de communautés syriennes déplacées, participent activement à une économie circulaire qui peine à s’imposer dans un Liban où le tri sélectif reste marginal. Malgré des conditions de travail difficiles et un contexte socio-économique tendu, ces acteurs essentiels permettent la valorisation de matières recyclables, contribuant non seulement à une écologie urbaine plus durable, mais aussi à une insertion socio-économique fragile mais précieuse pour beaucoup de Syriens. En 2025, alors que le Liban fait face à des défis majeurs en matière de gestion des déchets, l’action des récupérateurs syriens vise à redéfinir l’impact des flux de matières recyclables au sein du pays et offre une lumière nouvelle sur l’économie circulaire libanaise, aussi bien locale qu’en lien avec la Syrie voisine.
Le rôle des récupérateurs syriens dans la collecte des déchets et la gestion urbaine à Beyrouth
La métropole libanaise de Beyrouth est marquée par une gestion des déchets déficiente, caractérisée par un système de collecte largement informel et un taux de tri en amont inférieur à 5 %. Dans ce contexte, les récupérateurs syriens occupent un rôle pivot. Ils parcourent la ville avec leurs charrettes, motos ou petits véhicules, collectant des matériaux divers comme le plastique, le carton ou le métal, souvent directement dans les poubelles publiques ou privées.
Hamid, un jeune Syrien de 22 ans évoqué dans des reportages de terrain, illustre parfaitement cette réalité. Chaque jour, il transporte entre 100 et 150 kilos de matériaux recyclables, cumulant un revenu mensuel proche du salaire minimum local, mais sans aucune protection sociale. Ce métier informel est une stratégie de survie, mais aussi un maillon fondamental de l’écologie urbaine à Beyrouth.
Liste des principaux déchets collectés par les récupérateurs :
- Les bouteilles plastique (PET) – contenant environ 24 kilos par tournée pour Hamid
- Les plastiques divers (films, sacs, emballages non identifiés)
- Le carton et le papier – souvent en grandes quantités
- L’aluminium (canettes, boîtes)
- Les métaux ferreux et non ferreux (cuivre, acier) – exportés vers des centres plus importants
Le système repose sur des bourat, ces décharges ou terrains vagues où s’effectue le tri et le regroupement des matières avant la revente aux intermédiaires ou aux entreprises de recyclage. Les entrepreneurs locaux, dont certains issus de familles libanaises comme les Chaaban, exploitent ces matières en effectuant un premier traitement avant export, notamment vers la Turquie ou la Grèce.
L’émergence de ces collecteurs s’inscrit aussi dans un contexte historique : certaines tribus bédouines syriennes, notamment originaires d’Alep et de Raqqa, se sont spécialisées dans cette activité depuis le début des années 2000. Ce savoir-faire a été amplifié par les vagues successives de réfugiés, qui utilisent la collecte comme un moyen d’insertion socio-économique dans un environnement urbanisé et difficile.
Pour mieux comprendre, une comparaison entre les salaires et charges mensuelles de ces collecteurs met en lumière leur précarité et leur rôle :
| Revenus mensuels (USD) | Charges mensuelles (USD) | Remarques |
|---|---|---|
| Environ 350 | Inconnues (frais de transport, achat de matériel, pot-de-vin aux autorités, etc.) | Revenu minimum proche du salaire légal, sans sécurité sociale |
Ce tableau illustre la fine marge sur laquelle s’appuient ces travailleurs pour survivre, parfois dans des situations où le harcèlement ou la violence de groupes organisés vient dans le même temps complexifier leur activité.

Comment la valorisation des matières recyclables par la communauté syrienne soutient l’économie circulaire au Liban
Au cœur d’une économie libanaise en crise depuis plusieurs années, les récupérateurs syriens sont un acteur-clé de la valorisation des matières au Liban et en Syrie. Ces collecteurs informels permettent de limiter le volume des déchets entassés dans les décharges en revalorisant notamment :
- Le plastique, transformé via concassage et revente en granulés – exportés ensuite vers des pays méditerranéens
- Le carton, réutilisé en grande partie localement pour divers usages
- Les métaux, notamment le cuivre rouge et jaune, qui figurent parmi les principales exportations industrielles
Malgré une baisse palpable des prix des matières premières recyclables sur le marché international – par exemple, le prix de la tonne de plastique est passé de 450 USD à environ 200 USD – ces filières restent indispensables. Elles apportent également un appui économique significatif à une communauté syrienne en marge, souvent démunie face à la rareté des opportunités d’emploi formel.
L’association libanaise Live Love Recycle illustre, via ses actions, l’effort pour structurer la collecte et sensibiliser la population locale. Leur application mobile permet la collecte de déchets recyclables auprès de 4 000 foyers et un tri rigoureux avant commercialisation.
Principaux bénéfices de la valorisation par les récupérateurs :
- Réduction du volume de déchets ultimes envoyés en décharge
- Participation active à la création d’emplois, y compris pour les réfugiés syriens
- Amélioration des conditions sanitaires dans les quartiers populaires
- Création de liens économiques transfrontaliers au Moyen-Orient
| Matériau recyclable | Destination principale | Usage final |
|---|---|---|
| Plastique | Grèce, Égypte, Turquie | Transformation en granulés plastiques |
| Cuivre et métaux | Principaux ports d’export Turquie | Fabrication industrielle, notamment électrique |
| Carton | Réemploi local | Emballages et artisanat |
Cette dynamique n’est pas seulement économique mais participe également à l’amélioration de la gestion des déchets au Liban, dans une ville comme Beyrouth en quête d’équilibre entre urbanisation rapide et écologie. Les initiatives communautaires syriennes enrichissent et renforcent ainsi l’écologie urbaine. Le lien humain que tissent les Syriens recycleurs avec le territoire et ses habitants est un levier important pour envisager un développement plus durable.
Les défis socio-économiques et sécuritaires rencontrés par les collecteurs informels syriens au Liban
Malgré leur rôle crucial, les collecteurs informels syriens se heurtent quotidiennement à de nombreux obstacles qui affectent leur travail ainsi que leur condition de vie. Sans statut officiel ni couverture sociale, ces individus se trouvent exposés à des risques élevés :
- Accidents mortels liés à la manipulation des déchets et aux camions-bennes
- Harcèlement administratif et confiscation de matériel par les autorités municipales
- Violence et intimidation de la part de gangs intervenant dans la gestion des bourat
- Stigmatisation sociale et discriminations, parfois même de la part des habitants
En 2022, plusieurs tragédies ont touché cette population fragile, notamment la mort de deux enfants écrasés par des camions de déchets alors qu’ils triaient des ordures. Cette situation souligne le malaise profond lié à une économie circulaire non régulée où le travail au noir et l’absence de sécurité prévalent.
La précarité est également renforcée par des politiques publiques insuffisantes. L’État libanais, démuni devant la gestion des déchets, externalise souvent la responsabilité vers les municipalités, celles-ci manquant de moyens humains et financiers. Parfois, ces initiatives conduisent à la fermeture de bourats ou à des opérations policières punitives comme à Hay-Lejja, l’un des quartiers populaires de Beyrouth.
Ce contexte pousse un nombre croissant de récupérateurs syriens à envisager le retour en Syrie, malgré la situation économique et sécuritaire complexe dans leur pays natal. Cette remigration modifie dès lors la démographie des collecteurs et fragilise encore davantage cette chaîne économique.

En parallèle, la compétition entre collecteurs, la pression des propriétaires libanais des terrains de tri et des cartels sur le marché des matières recyclables creusent les inégalités et créent des conflits fréquents. L’absence de coopératives structurées, présentes dans d’autres pays comme le Maroc ou le Brésil, prive les récupérateurs syriens de leviers collectifs pour défendre leurs droits.
Pour aller plus loin, découvrez ici comment les modèles internationaux d’économie circulaire peuvent inspirer des solutions adaptées à cette crise socio-économique et environnementale.
Initiatives et perspectives pour l’insertion socio-économique des Syriens dans l’économie circulaire libanaise
Face aux défaillances institutionnelles et aux conditions de travail précaires, plusieurs organisations locales et internationales tentent d’apporter des solutions d’amélioration et de soutien à ces collecteurs syriens. Outre l’ONG Live Love Recycle, des projets pilotés par le Programme Alimentaire Mondial ou le Fonds Régional pour le Développement et la Protection encouragent des dispositifs de formation, d’embauche et de structuration.
Ces programmes visent à :
- Formaliser la collecte et le tri afin de garantir sécurité et revenus plus stables
- Créer des coopératives pour mutualiser les ressources et négocier les tarifs des matières recyclables
- Améliorer la sensibilisation à la gestion des déchets auprès des populations locales et réfugiées
- Développer des technologies adaptées pour le recyclage et la transformation locale
Un exemple concret est la mise en place récente de nouveaux points de collecte gérés par les Syriens eux-mêmes, avec l’appui institutionnel, visant à renforcer la durabilité et à créer des emplois pérennes. Ces initiatives répondent aussi à une volonté de lier l’économie circulaire à une nouvelle dynamique sociale et économique, permettant à la communauté syrienne de s’intégrer plus solidement au tissu urbain.
Par ailleurs, la coopération régionale entre le Liban et la Syrie autour de la valorisation des matières ouvre la voie à des échanges industriels plus durables, un enjeu majeur pour contrer les externalités négatives générées par la crise migratoire.
Liste des priorités pour une insertion réussie :
- Renforcement de la réglementation pour protéger les travailleurs informels
- Appui financier et logistique à de petites entreprises de recyclage syriennes et libanaises
- Programmes de formation technique et gestion sécurisée des risques
- Soutien psychologique et social adapté aux populations migrantes
La place croissante de l’économie circulaire dans la stratégie libanaise et régionale
En réponse aux nombreux défis écologiques et économiques auxquels le Liban fait face, une prise de conscience progressive se dessine autour de l’économie circulaire. En 2025, le pays tente d’intégrer cette approche aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.
Le Bureau de l’économie circulaire, initié par plusieurs acteurs gouvernementaux et associatifs, cherche à structurer ce secteur en appui à des démarches durables dans la gestion des déchets. Cette ambition s’inscrit dans une perspective plus large de transition écologique, bénéfique à la fois au Liban et à ses voisins, notamment la Syrie.
L’intégration des récupérateurs syriens dans ces mécanismes est essentielle car ils incarnent le lien direct entre déchets urbains et valorisation économique. Parallèlement, la participation à des plateformes régionales, comme celles détaillées dans l’ASEAN circulaire renforcée, illustre la volonté de coopération internationale pour une gestion durable.
Un défi reste néanmoins la mise en place d’un cadre légal clair, qui offrirait aux récupérateurs syriens une meilleure reconnaissance et des garanties sociales. Les expériences d’autres pays, comme exposé dans le Tadjikistan, pourront inspirer des pistes de réforme.
Enfin, une meilleure valorisation des matières premières secondaires est une nécessité économique globale — un sujet analysé dans des études récentes publiées sur les perspectives économiques mondiales.
Ces évolutions, encore balbutiantes, sont porteuses d’un avenir où écologie urbaine et inclusion socio-économique trouveront un terrain d’entente profitable pour les Syriennes et Syriens récoltant les déchets, pour le Liban, et pour la région entière.
Questions fréquentes sur les récupérateurs syriens et l’économie circulaire au Liban
- Quel est le rôle principal des récupérateurs syriens au Liban ?
Ils participent activement à la collecte informelle des déchets recyclables, contribuant ainsi à limiter le volume des décharges et à soutenir l’économie circulaire locale. - Pourquoi la gestion des déchets au Liban dépend-elle autant des collecteurs informels ?
Le tri à la source est quasi inexistant, inférieur à 5 %, et les politiques publiques favorisent principalement le déversement en décharges, ce qui fait des récupérateurs un maillon incontournable. - Quels sont les principaux matériaux recyclés par ces collecteurs ?
Plastique, carton, aluminium, cuivre et autres métaux représentent la majeure partie des matériaux collectés. - Quels sont les défis majeurs auxquels font face les collecteurs syriens?
Précarité, risques sanitaires, harcèlement, violences et absence de cadre légal sont des obstacles quotidiens. - Quelles perspectives d’avenir pour l’économie circulaire au Liban avec la communauté syrienne ?
Un avenir durable est possible via la formalisation, la structuration des coopératives, le soutien institutionnel et la sensibilisation accrue.
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